Topic 7190227

DH//227Re://T7190 [OperaLov/DoraLoen/Cassio/Prisma/NingXiang - Tosca ] post. 18-01-27 17:29:21

 

© photo DH//OperaLov Palazzo Farnese

TOSCA

227Re://T7190 [OperaLov/DoraLoen/Cassio/Prisma/NingXiang - Tosca ] post. 18-01-27 17:29:21

Si je dis que j’ai entendu mille fois l’opéra Tosca dans ma vie, je suis sûre de ne pas exagérer. Ma mère chantait le rôle, ça fait partie des premières choses que j’ai apprises dans ma vie.

L’histoire est atroce - incidemment l’Opéra de Montréal en a récupéré une dimension d’actualité (l’abus de pouvoir et le harcèlement sexuel) pour en promouvoir la production l’automne dernier. Floria Tosca, une amoureuse passionnée, voit son amant, Mario, un artiste peintre, séquestré par la police dans une affaire politique. Le chef de police, qui connaît bien le couple, exploite la jalousie de la jeune femme pour la manipuler. Se servant de son pouvoir, il promet d’échanger la libération de Mario, condamné à mort, contre une nuit en privé avec elle. Épouvantée, elle accepte pour sauver son amant, mais au moment de passer à l’acte, elle s’empare d’un couteau et le tue. Elle s’enfuit aussitôt avec le sauf-conduit qui, croit-elle, va redonner la liberté à son amant, mais ce dernier est exécuté quand même, et la femme désespérée se jette dans le vide, du haut du Château Saint-Ange où Mario a été fusillé.

Cet opéra contient trois des plus beaux airs de tout le répertoire. Mais le Vissi d’arte, l’air de Tosca au deuxième acte, bien qu’il soit parmi les préférés de tout amateur d’opéra, a valu au compositeur Puccini des reproches, surtout de la part des metteurs en scène, parce qu’il constitue un immense "anti-climax" dans le feu de l’action. Pourquoi, dans cet opéra en particulier, a-t-on eu du mal à accepter la convention du grand air alors qu’ailleurs, chez Verdi par exemple, ces temps d’arrêt font partie du plaisir de la représentation?

227Re://T7190 [OperaLov/DoraLoen/Cassio/Prisma/NingXiang - Tosca ] post. 18-01-27 17:37:40

Oui c’est un cas classique qu’on cite souvent pour illustrer le malaise des metteurs en scène. Ils ne savent vraiment pas quoi faire avec ce moment extrêmement lyrique, je dirais pur et dur, au milieu de l’œuvre. Heureusement qu’il y a eu Maria Callas, et avant elle Sarah Bernhardt, pour «instituer» un personnage ayant toute l’autorité, chose qu’on voit rarement, sur l’aspect dramatique de la pièce de Sardou et de l’opéra de Puccini. Sans la première, le Vissi d’arte resterait un moment d’inconfort à la scène, autant qu’il est un air extrêmement prisé en récital. Et sans Sarah Bernhardt, qui a imposé beaucoup de ses choix au metteur en scène lors de la création de la pièce, nous serions privés d’un autre grand moment de cet opéra, tout aussi imprégné de la foi religieuse qui anime Tosca, celui de la pantomime qui clôt le deuxième acte après le meurtre de Scarpia. Tosca y élabore une longue mise en veille du corps, avec un crucifix et des chandeliers qu’elle dépose à la tête aux pieds du baron étendu qu’elle vient d’assassiner.

227Re://T7190 [OperaLov/DoraLoen/Cassio/Prisma/NingXiang - Tosca ] post. 18-01-27 17:39:52

Il y a beaucoup de réponses à cette question du malaise du Vissi d’arte. Aujourd’hui la question ne se pose plus vraiment, grâce comme vous le dites aux grandes voix qui ont incarné cette cantatrice à l’opéra. Car n’oublions pas que Floria Tosca est elle-même une cantatrice, ce qui pourrait justifier ce «duplicata» du personnage et de son interprète en plein milieu d’une scène où l’action devrait normalement obéir à une série de rebondissements. Cet air pose néanmoins un problème d’autant plus insoluble qu’on ne pourrait pas imaginer Tosca sans le Vissi d’arte. Tosca est une des œuvres les plus incontournables dans le vérisme italien. Et justement, ce vérisme rend la convention du bel canto impossible, puisqu’il se pose en réaction contre elle.

Mais il y a plus important encore je crois. Toute chose qui se montre dans une perfection se rend beaucoup plus vulnérable qu’une chose ordinaire si, malgré sa splendeur, un détail vient nuire à son ensemble. Incluant la perfection de cet air, Tosca est une œuvre pour ainsi dire parfaite. Simplement que cet air est apparemment mal placé dans l’action. Je dis apparemment car s’il était placé ailleurs il n’aurait pas la force qu’il acquiert là où il advient. Or on ne peut pas reprocher au public de ne pas avoir envie de pleurer quand ses émotions sont sollicitées dans un suspense aussi prenant. Quoique lorsque l’air est bien chanté, il pleure, évidemment!

227Re://T7190 [OperaLov/DoraLoen/Cassio/Prisma/NingXiang - Tosca ] post. 18-01-27 17:42:07

Je trouve que cet air est en résonance avec toute la trajectoire du personnage. Floria Tosca entre contrariée au premier acte parce que son amant tarde à lui ouvrir la porte. Ils sont dans une église et la première chose qu’elle fait, malgré les reproches qu’elle lui adresse, c'est d'aller s’agenouiller et déposer des fleurs aux pieds de la madone. La musique nous fait déjà entendre l’air Vissi d’arte du deuxième acte.

227Re://T7190 [OperaLov/DoraLoen/Cassio/Prisma/NingXiang - Tosca ] post. 18-01-27 17:45:13

Au début du vingtième siècle, l’opéra est en crise. Verdi, Wagner, les premiers dodécaphonistes, et le vérisme menés par les Italiens, dont Puccini est chef de file, tout ce monde cohabite. Rappelons-nous que Wozzeck (1925) d’Alban Berg est un opéra créé avant Turandot (1926). Leurs compositions sont contemporaines, plus de vingt ans après Pelleas et Mélisande de Debussy. Il était normal, dans ce feu roulant de créations, que toute trace de vétusté rappelant les conventions du bel canto soient âprement critiquées. C’est une chose que nous oublions aujourd’hui, car sauf en de rares exceptions par rapport à autrefois, quand nous allons voir et entendre un opéra, nous allons faire un tour dans un genre réputé ancien, et nous y allons comme dans un musée, sans faire de liens entre les œuvres que nous contemplons isolément, pour notre plus grand plaisir.

227Re://T7190 [OperaLov/DoraLoen/Cassio/Prisma/NingXiang - Tosca ] post. 18-01-27 17:48:28

Sur cette question de la perfection dans les opéras de Puccini Dora a raison, et j’ajouterais que lorsqu’une œuvre d’art nous transporte autant que Tosca, elle attire un énorme public parmi lequel il se trouve forcément, encore aujourd’hui. des connaisseurs et des esprits critiques. J’ai toujours remarqué que les irréductibles de l’opéra adorent relever de petits détails qui clochent dans cet art gigantesque. Ce genre à la fois théâtral et musical ne manque pas d’exemples d’invraisemblances psychologiques. C’est un royaume où prédomine l’émotion, laquelle excuse amplement les entorses aux lois de la construction dramatique.

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Si je dis que j’ai entendu mille fois l’opéra Tosca dans ma vie, je suis sûre de ne pas exagérer. Ma mère chantait le rôle, ça fait partie des premières choses que j’ai apprises dans ma vie.

L’histoire est atroce - incidemment l’Opéra de Montréal en a récupéré une dimension d’actualité (l’abus de pouvoir et le harcèlement sexuel) pour en promouvoir la production l’automne dernier. Floria Tosca, une amoureuse passionnée, voit son amant, Mario, un artiste peintre, séquestré par la police dans une affaire politique. Le chef de police, qui connaît bien le couple, exploite la jalousie de la jeune femme pour la manipuler. Se servant de son pouvoir, il promet d’échanger la libération de Mario, condamné à mort, contre une nuit en privé avec elle. Épouvantée, elle accepte pour sauver son amant, mais au moment de passer à l’acte, elle s’empare d’un couteau et le tue. Elle s’enfuit aussitôt avec le sauf-conduit qui, croit-elle, va redonner la liberté à son amant, mais ce dernier est exécuté quand même, et la femme désespérée se jette dans le vide, du haut du Château Saint-Ange où Mario a été fusillé.

Cet opéra contient trois des plus beaux airs de tout le répertoire. Mais le Vissi d’arte, l’air de Tosca au deuxième acte, bien qu’il soit parmi les préférés de tout amateur d’opéra, a valu au compositeur Puccini des reproches, surtout de la part des metteurs en scène, parce qu’il constitue un immense "anti-climax" dans le feu de l’action. Pourquoi, dans cet opéra en particulier, a-t-on eu du mal à accepter la convention du grand air alors qu’ailleurs, chez Verdi par exemple, ces temps d’arrêt font partie du plaisir de la représentation?

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Oui c’est un cas classique qu’on cite souvent pour illustrer le malaise des metteurs en scène. Ils ne savent vraiment pas quoi faire avec ce moment extrêmement lyrique, je dirais pur et dur, au milieu de l’œuvre. Heureusement qu’il y a eu Maria Callas, et avant elle Sarah Bernhardt, pour «instituer» un personnage ayant toute l’autorité, chose qu’on voit rarement, sur l’aspect dramatique de la pièce de Sardou et de l’opéra de Puccini. Sans la première, le Vissi d’arte resterait un moment d’inconfort à la scène, autant qu’il est un air extrêmement prisé en récital. Et sans Sarah Bernhardt, qui a imposé beaucoup de ses choix au metteur en scène lors de la création de la pièce, nous serions privés d’un autre grand moment de cet opéra, tout aussi imprégné de la foi religieuse qui anime Tosca, celui de la pantomime qui clôt le deuxième acte après le meurtre de Scarpia. Tosca y élabore une longue mise en veille du corps, avec un crucifix et des chandeliers qu’elle dépose à la tête aux pieds du baron étendu qu’elle vient d’assassiner.

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Il y a beaucoup de réponses à cette question du malaise du Vissi d’arte. Aujourd’hui la question ne se pose plus vraiment, grâce comme vous le dites aux grandes voix qui ont incarné cette cantatrice à l’opéra. Car n’oublions pas que Floria Tosca est elle-même une cantatrice, ce qui pourrait justifier ce «duplicata» du personnage et de son interprète en plein milieu d’une scène où l’action devrait normalement obéir à une série de rebondissements. Cet air pose néanmoins un problème d’autant plus insoluble qu’on ne pourrait pas imaginer Tosca sans le Vissi d’arte. Tosca est une des œuvres les plus incontournables dans le vérisme italien. Et justement, ce vérisme rend la convention du bel canto impossible, puisqu’il se pose en réaction contre elle.

Mais il y a plus important encore je crois. Toute chose qui se montre dans une perfection se rend beaucoup plus vulnérable qu’une chose ordinaire si, malgré sa splendeur, un détail vient nuire à son ensemble. Incluant la perfection de cet air, Tosca est une œuvre pour ainsi dire parfaite. Simplement que cet air est apparemment mal placé dans l’action. Je dis apparemment car s’il était placé ailleurs il n’aurait pas la force qu’il acquiert là où il advient. Or on ne peut pas reprocher au public de ne pas avoir envie de pleurer quand ses émotions sont sollicitées dans un suspense aussi prenant. Quoique lorsque l’air est bien chanté, il pleure, évidemment!

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Je trouve que cet air est en résonance avec toute la trajectoire du personnage. Floria Tosca entre contrariée au premier acte parce que son amant tarde à lui ouvrir la porte. Ils sont dans une église et la première chose qu’elle fait, malgré les reproches qu’elle lui adresse, c'est d'aller s’agenouiller et déposer des fleurs aux pieds de la madone. La musique nous fait déjà entendre l’air Vissi d’arte du deuxième acte.

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Au début du vingtième siècle, l’opéra est en crise. Verdi, Wagner, les premiers dodécaphonistes, et le vérisme menés par les Italiens, dont Puccini est chef de file, tout ce monde cohabite. Rappelons-nous que Wozzeck (1925) d’Alban Berg est un opéra créé avant Turandot (1926). Leurs compositions sont contemporaines, plus de vingt ans après Pelleas et Mélisande de Debussy. Il était normal, dans ce feu roulant de créations, que toute trace de vétusté rappelant les conventions du bel canto soient âprement critiquées. C’est une chose que nous oublions aujourd’hui, car sauf en de rares exceptions par rapport à autrefois, quand nous allons voir et entendre un opéra, nous allons faire un tour dans un genre réputé ancien, et nous y allons comme dans un musée, sans faire de liens entre les œuvres que nous contemplons isolément, pour notre plus grand plaisir.

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Sur cette question de la perfection dans les opéras de Puccini Dora a raison, et j’ajouterais que lorsqu’une œuvre d’art nous transporte autant que Tosca, elle attire un énorme public parmi lequel il se trouve forcément, encore aujourd’hui. des connaisseurs et des esprits critiques. J’ai toujours remarqué que les irréductibles de l’opéra adorent relever de petits détails qui clochent dans cet art gigantesque. Ce genre à la fois théâtral et musical ne manque pas d’exemples d’invraisemblances psychologiques. C’est un royaume où prédomine l’émotion, laquelle excuse amplement les entorses aux lois de la construction dramatique.

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Si je dis que j’ai entendu mille fois l’opéra Tosca dans ma vie, je suis sûre de ne pas exagérer. Ma mère chantait le rôle, ça fait partie des premières choses que j’ai apprises dans ma vie.

L’histoire est atroce - incidemment l’Opéra de Montréal en a récupéré une dimension d’actualité (l’abus de pouvoir et le harcèlement sexuel) pour en promouvoir la production l’automne dernier. Floria Tosca, une amoureuse passionnée, voit son amant, Mario, un artiste peintre, séquestré par la police dans une affaire politique. Le chef de police, qui connaît bien le couple, exploite la jalousie de la jeune femme pour la manipuler. Se servant de son pouvoir, il promet d’échanger la libération de Mario, condamné à mort, contre une nuit en privé avec elle. Épouvantée, elle accepte pour sauver son amant, mais au moment de passer à l’acte, elle s’empare d’un couteau et le tue. Elle s’enfuit aussitôt avec le sauf-conduit qui, croit-elle, va redonner la liberté à son amant, mais ce dernier est exécuté quand même, et la femme désespérée se jette dans le vide, du haut du Château Saint-Ange où Mario a été fusillé.

Cet opéra contient trois des plus beaux airs de tout le répertoire. Mais le Vissi d’arte, l’air de Tosca au deuxième acte, bien qu’il soit parmi les préférés de tout amateur d’opéra, a valu au compositeur Puccini des reproches, surtout de la part des metteurs en scène, parce qu’il constitue un immense "anti-climax" dans le feu de l’action. Pourquoi, dans cet opéra en particulier, a-t-on eu du mal à accepter la convention du grand air alors qu’ailleurs, chez Verdi par exemple, ces temps d’arrêt font partie du plaisir de la représentation?

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Oui c’est un cas classique qu’on cite souvent pour illustrer le malaise des metteurs en scène. Ils ne savent vraiment pas quoi faire avec ce moment extrêmement lyrique, je dirais pur et dur, au milieu de l’œuvre. Heureusement qu’il y a eu Maria Callas, et avant elle Sarah Bernhardt, pour «instituer» un personnage ayant toute l’autorité, chose qu’on voit rarement, sur l’aspect dramatique de la pièce de Sardou et de l’opéra de Puccini. Sans la première, le Vissi d’arte resterait un moment d’inconfort à la scène, autant qu’il est un air extrêmement prisé en récital. Et sans Sarah Bernhardt, qui a imposé beaucoup de ses choix au metteur en scène lors de la création de la pièce, nous serions privés d’un autre grand moment de cet opéra, tout aussi imprégné de la foi religieuse qui anime Tosca, celui de la pantomime qui clôt le deuxième acte après le meurtre de Scarpia. Tosca y élabore une longue mise en veille du corps, avec un crucifix et des chandeliers qu’elle dépose à la tête aux pieds du baron étendu qu’elle vient d’assassiner.

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Il y a beaucoup de réponses à cette question du malaise du Vissi d’arte. Aujourd’hui la question ne se pose plus vraiment, grâce comme vous le dites aux grandes voix qui ont incarné cette cantatrice à l’opéra. Car n’oublions pas que Floria Tosca est elle-même une cantatrice, ce qui pourrait justifier ce «duplicata» du personnage et de son interprète en plein milieu d’une scène où l’action devrait normalement obéir à une série de rebondissements. Cet air pose néanmoins un problème d’autant plus insoluble qu’on ne pourrait pas imaginer Tosca sans le Vissi d’arte. Tosca est une des œuvres les plus incontournables dans le vérisme italien. Et justement, ce vérisme rend la convention du bel canto impossible, puisqu’il se pose en réaction contre elle.

Mais il y a plus important encore je crois. Toute chose qui se montre dans une perfection se rend beaucoup plus vulnérable qu’une chose ordinaire si, malgré sa splendeur, un détail vient nuire à son ensemble. Incluant la perfection de cet air, Tosca est une œuvre pour ainsi dire parfaite. Simplement que cet air est apparemment mal placé dans l’action. Je dis apparemment car s’il était placé ailleurs il n’aurait pas la force qu’il acquiert là où il advient. Or on ne peut pas reprocher au public de ne pas avoir envie de pleurer quand ses émotions sont sollicitées dans un suspense aussi prenant. Quoique lorsque l’air est bien chanté, il pleure, évidemment!

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Je trouve que cet air est en résonance avec toute la trajectoire du personnage. Floria Tosca entre contrariée au premier acte parce que son amant tarde à lui ouvrir la porte. Ils sont dans une église et la première chose qu’elle fait, malgré les reproches qu’elle lui adresse, c'est d'aller s’agenouiller et déposer des fleurs aux pieds de la madone. La musique nous fait déjà entendre l’air Vissi d’arte du deuxième acte.

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Au début du vingtième siècle, l’opéra est en crise. Verdi, Wagner, les premiers dodécaphonistes, et le vérisme menés par les Italiens, dont Puccini est chef de file, tout ce monde cohabite. Rappelons-nous que Wozzeck (1925) d’Alban Berg est un opéra créé avant Turandot (1926). Leurs compositions sont contemporaines, plus de vingt ans après Pelleas et Mélisande de Debussy. Il était normal, dans ce feu roulant de créations, que toute trace de vétusté rappelant les conventions du bel canto soient âprement critiquées. C’est une chose que nous oublions aujourd’hui, car sauf en de rares exceptions par rapport à autrefois, quand nous allons voir et entendre un opéra, nous allons faire un tour dans un genre réputé ancien, et nous y allons comme dans un musée, sans faire de liens entre les œuvres que nous contemplons isolément, pour notre plus grand plaisir.

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Sur cette question de la perfection dans les opéras de Puccini Dora a raison, et j’ajouterais que lorsqu’une œuvre d’art nous transporte autant que Tosca, elle attire un énorme public parmi lequel il se trouve forcément, encore aujourd’hui. des connaisseurs et des esprits critiques. J’ai toujours remarqué que les irréductibles de l’opéra adorent relever de petits détails qui clochent dans cet art gigantesque. Ce genre à la fois théâtral et musical ne manque pas d’exemples d’invraisemblances psychologiques. C’est un royaume où prédomine l’émotion, laquelle excuse amplement les entorses aux lois de la construction dramatique.