Topic 7190216

DH//216Re://T7190 [Shizuka/DoraLo/Yori/Zoltahn/Ynod/Wendie/Vigie - Abus] post. 18-01-16 17:36:25

 

 

© photo Edgar Degas, Danseuses, St.Petersbourg, Musée de l'Ermitage - Также бесплатно проходят ветераны боевых действий, кстати, в перечне льготников на стендах и сайте музея я этого не увидел

ABUS

216Re://T7190 [Shizuka/DoraLo/Yori/Zoltahn/Ynod/Wendie/Vigie - Abus] post. 18-01-16 17:36:25

En 1881, Edgar Degas décide de ne plus exposer ses sculptures parce qu’il comprend que la société et la critique qui ne voient que de la violence dans ses œuvres ne sont pas prêtes à recevoir ce qu’il a à donner. Si on admet volontiers la passion du peintre pour la beauté et la grâce des danseuses, on ne peut faire abstraction de la douleur et de la difficulté physiques, bien contraires à la souplesse, que ces danseuses éprouvent. Les couleurs et la texture de ses tableaux sont somptueuses, mais le peintre nous fait voir les crispations, les physionomies tendues, les pieds et les mains désarticulés de ces interprètes. Il va peindre aussi les êtres démolis par l’absinthe. On va lui attribuer une réputation de bourreau dans l’affaire de La Petite Danseuse de 14 ans, qui revient dans l’actualité récente à l’occasion d’une rétrospective de ses œuvres. Cent trente ans plus tard, est-ce que le discours piétine?

Après le fameux «Toi, je vais te casser» qui a retenti dans l’affaire de Gilbert Sicotte à la mi-novembre, c’est au tour du chorégraphe Steve Bolton de faire l’objet de dénonciations pour des méthodes abusives au plan humain dans la réalisation de ses projets.

216Re://T7190 [Shizuka/DoraLo/Yori/Zoltahn/Ynod/Wendie/Vigie - Abus] post. 18-01-16 17:46:35

Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il y a un amalgame psychologique des dénonciations d’abus sexuels et des dénonciations de méthodes pédagogiques extrêmes dans l’avalanche des récriminations de victimes depuis l’automne dernier. Il y a un mouvement d’entraînement de ces dénonciations et je ne peux pas non plus m’empêcher de croire que cette confusion n’est pas voulue par l’appareil mental de notre société. Celle-ci fait feu de tout bois, quand il s’agit de «dénoncer» (et de clamer sa vertu en tant que police du polissage) et place sur le même axe routier le trafic des abus criminels, des intimidations sexuelles, et des excès de pouvoir quand il s’exerce selon des passions qui devraient, toujours selon une morale du nivellement, se ramollir pour ne pas froisser les sensibilités des plus faibles, lesquels aspirent pourtant, en s’inscrivant dans des conservatoires ou des écoles, à un niveau supérieur de formation et de compétences.

216Re://T7190 [Shizuka/DoraLo/Yori/Zoltahn/Ynod/Wendie/Vigie - Abus] post. 18-01-16 17:49:14

«L’exigence n’est pas la maltraitance», dit Gilbert Sicotte (accusé récemment d’utiliser des méthodes pédagogiques discutables et contraires à la sensibilité des artistes) et je crois que là-dessus il a parfaitement raison. Quiconque au cours de sa vie s’est destiné à quelque discipline artistique que ce soit aura d’abord été confronté aux exercices techniques qui auront tôt fait de décourager l’apprentissage. Je ne connais pas de statistiques à savoir combien d’élèves s’inscrivent dans des classes de piano, de violon, de chant ou de danse, ou d’art dramatique, par rapport au nombre qui en fera une carrière, mais ça doit être impressionnant. Il est dans la nature de l’être humain de rêver - une carrière prometteuse fait partie des rêves de la plupart des enfants et des ados. Même de jeunes adultes. Même chose en sport. On parle du rêve olympique. C’est du ressort de la performance, sans cesse valorisée par les médias, on n’a que le mot «excellence» à la bouche quand on doit promouvoir la culture, mais j’observe que depuis très récemment on veut agir en justicier ou en modérateur pour déceler les «abus» auxquels des pédagogues, par ailleurs réputés pour leurs compétences, auraient recours dans leurs fonctions. Cette forme d'angélisme me paraît en contradiction avec la fameuse excellence que la société voudrait avoir. Comme si on pouvait se l'offrir à rabais.

216Re://T7190 [Shizuka/DoraLo/Yori/Zoltahn/Ynod/Wendie/Vigie - Abus] post. 18-01-16 17:51:16

J’aimerais bien savoir si c’est dans un élan punitif ou dans une impulsion artistique visant à démontrer son admiration à des musiciennes que Charles Dutoit s’est laissé aller aux écarts de conduite qui lui sont reprochés. Si c’était pour montrer sa supériorité de mâle à une musicienne inférieure j’espère que vous n’allez pas dire que c’était pour faire valoir une exigence artistique. J’ai vraiment l’impression qu’on cherche à excuser des comportements inadmissibles.

216Re://T7190 [Shizuka/DoraLo/Yori/Zoltahn/Ynod/Wendie/Vigie - Abus] post. 18-01-16 17:52:59

En Chine si l’enfant n’est pas doué pour apprendre, on l’invite gentiment à servir, nettoyer la rue, porter secours aux moins fortunés que lui.

S’il excelle en art, on le bat pour qu’il devienne meilleur

s’il est déjà bon athlète, on le menace de mort s’il ne rapporte pas l’or des Jeux.

216Re://T7190 [Shizuka/DoraLo/Yori/Zoltahn/Ynod/Wendie/Vigie - Abus] post. 18-01-16 17:55:27

Le mot «abus» est vaste, dénonciateur et exterminateur. Il figure au rang des grands fantômes sémantiques de notre civilisation. Que ce soit pour désigner un enfant qui mange trop de junk food, un mari qui hausse le ton en rentrant d’une journée où lui-même a été exploité par un patron irascible, un commerçant qui vole sa clientèle ou un président des États-Unis qui se met à dos les trois quarts de la planète, ce mot figure au palmarès de l’apocalypse sociale, au même titre que «génocide» et «torture». Il n’y a plus de rectitude possible nulle part. Si je suis prof et que je veux du rendement et de la performance, je dois prier pour que la rigueur s’acquière toute seule chez mes étudiants sans quoi je risque d’être montré du doigt pour avoir exprimé une exigence abusive.

216Re://T7190 [Shizuka/DoraLo/Yori/Zoltahn/Ynod/Wendie/Vigie - Abus] post. 18-01-16 17:58:40

Fernand Nault, le grand chorégraphe québécois, qui a lui-même étudié auprès de Maurice Lacasse Morenoff qui n’était pas réputé pour sa condescendance, a laissé des souvenirs impérissables de complicité artistique avec ses interprètes, et pas un danseur qui, enfant, a travaillé sous sa direction de Casse-Noisette n’évoquera son autorité autrement que par un amour inconditionnel de l’art et une patience à toute épreuve devant les difficultés techniques de leur apprentissage.

Qu’on associe rigueur et force de caractère, voire une certaine violence verbale découlant d’une irritation humaine face à un projet qui exige de l’ambition n’est pas nouveau. Dans notre société bien pensante, je ne suis pas sûre qu'Arturo Toscanini aurait trouvé l'adhésion dont il jouissait au début du XXe siècle de la part du public et de ses musiciens. Je le cite au hasard, car on pourrait y ajouter bien d'autres noms, dont celui de Karajan -  rendu célèbre pour son génie mais aussi pour sa colérique intransigeance.

S’il existe une maltraitance, de celle qui est reprochée à un type d’engagement pédagogique caractériel - certains préféreront dire «passionné» - en relation avec l’atteinte des objectifs visés par cette pédagogie, le phénomène n’est pas nouveau non plus. Ce qu’il y a de nouveau, c’est qu’il entre dans un champ d’intolérance sociale qui questionne jusqu’à la nature même du rapport maître / élève, de tout temps compris comme un rapport de domination favorisant l'émulation, mais de plus en plus soumis à une morale qui démonise et le bourreau et la victime, car on sait depuis longtemps que leur dynamique procède de la même emprise sur l’autre, au profit de la nuance, du consensus, de l’indulgence, quitte à ce que ces vertus nous conduisent à une subvention de l’ordinaire et de la facilité.

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En 1881, Edgar Degas décide de ne plus exposer ses sculptures parce qu’il comprend que la société et la critique qui ne voient que de la violence dans ses œuvres ne sont pas prêtes à recevoir ce qu’il a à donner. Si on admet volontiers la passion du peintre pour la beauté et la grâce des danseuses, on ne peut faire abstraction de la douleur et de la difficulté physiques, bien contraires à la souplesse, que ces danseuses éprouvent. Les couleurs et la texture de ses tableaux sont somptueuses, mais le peintre nous fait voir les crispations, les physionomies tendues, les pieds et les mains désarticulés de ces interprètes. Il va peindre aussi les êtres démolis par l’absinthe. On va lui attribuer une réputation de bourreau dans l’affaire de La Petite Danseuse de 14 ans, qui revient dans l’actualité récente à l’occasion d’une rétrospective de ses œuvres. Cent trente ans plus tard, est-ce que le discours piétine?

Après le fameux «Toi, je vais te casser» qui a retenti dans l’affaire de Gilbert Sicotte à la mi-novembre, c’est au tour du chorégraphe Steve Bolton de faire l’objet de dénonciations pour des méthodes abusives au plan humain dans la réalisation de ses projets.

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Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il y a un amalgame psychologique des dénonciations d’abus sexuels et des dénonciations de méthodes pédagogiques extrêmes dans l’avalanche des récriminations de victimes depuis l’automne dernier. Il y a un mouvement d’entraînement de ces dénonciations et je ne peux pas non plus m’empêcher de croire que cette confusion n’est pas voulue par l’appareil mental de notre société. Celle-ci fait feu de tout bois, quand il s’agit de «dénoncer» (et de clamer sa vertu en tant que police du polissage) et place sur le même axe routier le trafic des abus criminels, des intimidations sexuelles, et des excès de pouvoir quand il s’exerce selon des passions qui devraient, toujours selon une morale du nivellement, se ramollir pour ne pas froisser les sensibilités des plus faibles, lesquels aspirent pourtant, en s’inscrivant dans des conservatoires ou des écoles, à un niveau supérieur de formation et de compétences.

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«L’exigence n’est pas la maltraitance», dit Gilbert Sicotte (accusé récemment d’utiliser des méthodes pédagogiques discutables et contraires à la sensibilité des artistes) et je crois que là-dessus il a parfaitement raison. Quiconque au cours de sa vie s’est destiné à quelque discipline artistique que ce soit aura d’abord été confronté aux exercices techniques qui auront tôt fait de décourager l’apprentissage. Je ne connais pas de statistiques à savoir combien d’élèves s’inscrivent dans des classes de piano, de violon, de chant ou de danse, ou d’art dramatique, par rapport au nombre qui en fera une carrière, mais ça doit être impressionnant. Il est dans la nature de l’être humain de rêver - une carrière prometteuse fait partie des rêves de la plupart des enfants et des ados. Même de jeunes adultes. Même chose en sport. On parle du rêve olympique. C’est du ressort de la performance, sans cesse valorisée par les médias, on n’a que le mot «excellence» à la bouche quand on doit promouvoir la culture, mais j’observe que depuis très récemment on veut agir en justicier ou en modérateur pour déceler les «abus» auxquels des pédagogues, par ailleurs réputés pour leurs compétences, auraient recours dans leurs fonctions. Cette forme d'angélisme me paraît en contradiction avec la fameuse excellence que la société voudrait avoir. Comme si on pouvait se l'offrir à rabais.

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J’aimerais bien savoir si c’est dans un élan punitif ou dans une impulsion artistique visant à démontrer son admiration à des musiciennes que Charles Dutoit s’est laissé aller aux écarts de conduite qui lui sont reprochés. Si c’était pour montrer sa supériorité de mâle à une musicienne inférieure j’espère que vous n’allez pas dire que c’était pour faire valoir une exigence artistique. J’ai vraiment l’impression qu’on cherche à excuser des comportements inadmissibles.

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En Chine si l’enfant n’est pas doué pour apprendre, on l’invite gentiment à servir, nettoyer la rue, porter secours aux moins fortunés que lui.

S’il excelle en art, on le bat pour qu’il devienne meilleur

s’il est déjà bon athlète, on le menace de mort s’il ne rapporte pas l’or des Jeux.

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Le mot «abus» est vaste, dénonciateur et exterminateur. Il figure au rang des grands fantômes sémantiques de notre civilisation. Que ce soit pour désigner un enfant qui mange trop de junk food, un mari qui hausse le ton en rentrant d’une journée où lui-même a été exploité par un patron irascible, un commerçant qui vole sa clientèle ou un président des États-Unis qui se met à dos les trois quarts de la planète, ce mot figure au palmarès de l’apocalypse sociale, au même titre que «génocide» et «torture». Il n’y a plus de rectitude possible nulle part. Si je suis prof et que je veux du rendement et de la performance, je dois prier pour que la rigueur s’acquière toute seule chez mes étudiants sans quoi je risque d’être montré du doigt pour avoir exprimé une exigence abusive.

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Fernand Nault, le grand chorégraphe québécois, qui a lui-même étudié auprès de Maurice Lacasse Morenoff qui n’était pas réputé pour sa condescendance, a laissé des souvenirs impérissables de complicité artistique avec ses interprètes, et pas un danseur qui, enfant, a travaillé sous sa direction de Casse-Noisette n’évoquera son autorité autrement que par un amour inconditionnel de l’art et une patience à toute épreuve devant les difficultés techniques de leur apprentissage.

Qu’on associe rigueur et force de caractère, voire une certaine violence verbale découlant d’une irritation humaine face à un projet qui exige de l’ambition n’est pas nouveau. Dans notre société bien pensante, je ne suis pas sûre qu'Arturo Toscanini aurait trouvé l'adhésion dont il jouissait au début du XXe siècle de la part du public et de ses musiciens. Je le cite au hasard, car on pourrait y ajouter bien d'autres noms, dont celui de Karajan -  rendu célèbre pour son génie mais aussi pour sa colérique intransigeance.

S’il existe une maltraitance, de celle qui est reprochée à un type d’engagement pédagogique caractériel - certains préféreront dire «passionné» - en relation avec l’atteinte des objectifs visés par cette pédagogie, le phénomène n’est pas nouveau non plus. Ce qu’il y a de nouveau, c’est qu’il entre dans un champ d’intolérance sociale qui questionne jusqu’à la nature même du rapport maître / élève, de tout temps compris comme un rapport de domination favorisant l'émulation, mais de plus en plus soumis à une morale qui démonise et le bourreau et la victime, car on sait depuis longtemps que leur dynamique procède de la même emprise sur l’autre, au profit de la nuance, du consensus, de l’indulgence, quitte à ce que ces vertus nous conduisent à une subvention de l’ordinaire et de la facilité.

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En 1881, Edgar Degas décide de ne plus exposer ses sculptures parce qu’il comprend que la société et la critique qui ne voient que de la violence dans ses œuvres ne sont pas prêtes à recevoir ce qu’il a à donner. Si on admet volontiers la passion du peintre pour la beauté et la grâce des danseuses, on ne peut faire abstraction de la douleur et de la difficulté physiques, bien contraires à la souplesse, que ces danseuses éprouvent. Les couleurs et la texture de ses tableaux sont somptueuses, mais le peintre nous fait voir les crispations, les physionomies tendues, les pieds et les mains désarticulés de ces interprètes. Il va peindre aussi les êtres démolis par l’absinthe. On va lui attribuer une réputation de bourreau dans l’affaire de La Petite Danseuse de 14 ans, qui revient dans l’actualité récente à l’occasion d’une rétrospective de ses œuvres. Cent trente ans plus tard, est-ce que le discours piétine?

Après le fameux «Toi, je vais te casser» qui a retenti dans l’affaire de Gilbert Sicotte à la mi-novembre, c’est au tour du chorégraphe Steve Bolton de faire l’objet de dénonciations pour des méthodes abusives au plan humain dans la réalisation de ses projets.

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Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il y a un amalgame psychologique des dénonciations d’abus sexuels et des dénonciations de méthodes pédagogiques extrêmes dans l’avalanche des récriminations de victimes depuis l’automne dernier. Il y a un mouvement d’entraînement de ces dénonciations et je ne peux pas non plus m’empêcher de croire que cette confusion n’est pas voulue par l’appareil mental de notre société. Celle-ci fait feu de tout bois, quand il s’agit de «dénoncer» (et de clamer sa vertu en tant que police du polissage) et place sur le même axe routier le trafic des abus criminels, des intimidations sexuelles, et des excès de pouvoir quand il s’exerce selon des passions qui devraient, toujours selon une morale du nivellement, se ramollir pour ne pas froisser les sensibilités des plus faibles, lesquels aspirent pourtant, en s’inscrivant dans des conservatoires ou des écoles, à un niveau supérieur de formation et de compétences.

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«L’exigence n’est pas la maltraitance», dit Gilbert Sicotte (accusé récemment d’utiliser des méthodes pédagogiques discutables et contraires à la sensibilité des artistes) et je crois que là-dessus il a parfaitement raison. Quiconque au cours de sa vie s’est destiné à quelque discipline artistique que ce soit aura d’abord été confronté aux exercices techniques qui auront tôt fait de décourager l’apprentissage. Je ne connais pas de statistiques à savoir combien d’élèves s’inscrivent dans des classes de piano, de violon, de chant ou de danse, ou d’art dramatique, par rapport au nombre qui en fera une carrière, mais ça doit être impressionnant. Il est dans la nature de l’être humain de rêver - une carrière prometteuse fait partie des rêves de la plupart des enfants et des ados. Même de jeunes adultes. Même chose en sport. On parle du rêve olympique. C’est du ressort de la performance, sans cesse valorisée par les médias, on n’a que le mot «excellence» à la bouche quand on doit promouvoir la culture, mais j’observe que depuis très récemment on veut agir en justicier ou en modérateur pour déceler les «abus» auxquels des pédagogues, par ailleurs réputés pour leurs compétences, auraient recours dans leurs fonctions. Cette forme d'angélisme me paraît en contradiction avec la fameuse excellence que la société voudrait avoir. Comme si on pouvait se l'offrir à rabais.

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J’aimerais bien savoir si c’est dans un élan punitif ou dans une impulsion artistique visant à démontrer son admiration à des musiciennes que Charles Dutoit s’est laissé aller aux écarts de conduite qui lui sont reprochés. Si c’était pour montrer sa supériorité de mâle à une musicienne inférieure j’espère que vous n’allez pas dire que c’était pour faire valoir une exigence artistique. J’ai vraiment l’impression qu’on cherche à excuser des comportements inadmissibles.

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En Chine si l’enfant n’est pas doué pour apprendre, on l’invite gentiment à servir, nettoyer la rue, porter secours aux moins fortunés que lui.

S’il excelle en art, on le bat pour qu’il devienne meilleur

s’il est déjà bon athlète, on le menace de mort s’il ne rapporte pas l’or des Jeux.

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Le mot «abus» est vaste, dénonciateur et exterminateur. Il figure au rang des grands fantômes sémantiques de notre civilisation. Que ce soit pour désigner un enfant qui mange trop de junk food, un mari qui hausse le ton en rentrant d’une journée où lui-même a été exploité par un patron irascible, un commerçant qui vole sa clientèle ou un président des États-Unis qui se met à dos les trois quarts de la planète, ce mot figure au palmarès de l’apocalypse sociale, au même titre que «génocide» et «torture». Il n’y a plus de rectitude possible nulle part. Si je suis prof et que je veux du rendement et de la performance, je dois prier pour que la rigueur s’acquière toute seule chez mes étudiants sans quoi je risque d’être montré du doigt pour avoir exprimé une exigence abusive.

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Fernand Nault, le grand chorégraphe québécois, qui a lui-même étudié auprès de Maurice Lacasse Morenoff qui n’était pas réputé pour sa condescendance, a laissé des souvenirs impérissables de complicité artistique avec ses interprètes, et pas un danseur qui, enfant, a travaillé sous sa direction de Casse-Noisette n’évoquera son autorité autrement que par un amour inconditionnel de l’art et une patience à toute épreuve devant les difficultés techniques de leur apprentissage.

Qu’on associe rigueur et force de caractère, voire une certaine violence verbale découlant d’une irritation humaine face à un projet qui exige de l’ambition n’est pas nouveau. Dans notre société bien pensante, je ne suis pas sûre qu'Arturo Toscanini aurait trouvé l'adhésion dont il jouissait au début du XXe siècle de la part du public et de ses musiciens. Je le cite au hasard, car on pourrait y ajouter bien d'autres noms, dont celui de Karajan -  rendu célèbre pour son génie mais aussi pour sa colérique intransigeance.

S’il existe une maltraitance, de celle qui est reprochée à un type d’engagement pédagogique caractériel - certains préféreront dire «passionné» - en relation avec l’atteinte des objectifs visés par cette pédagogie, le phénomène n’est pas nouveau non plus. Ce qu’il y a de nouveau, c’est qu’il entre dans un champ d’intolérance sociale qui questionne jusqu’à la nature même du rapport maître / élève, de tout temps compris comme un rapport de domination favorisant l'émulation, mais de plus en plus soumis à une morale qui démonise et le bourreau et la victime, car on sait depuis longtemps que leur dynamique procède de la même emprise sur l’autre, au profit de la nuance, du consensus, de l’indulgence, quitte à ce que ces vertus nous conduisent à une subvention de l’ordinaire et de la facilité.